L’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France après celui des transports soit 19 % du total national en 2019. La moitié de ces émissions provient de l’élevage de par la fermentation entérique et la gestion des déjections. Mais saviez-vous que la conduite de l’élevage peut aussi participer au stockage de ces GES et ainsi permettre de répondre aux objectifs de réduction de 40% d’ici 2030 de la Loi Climat !
Dans le cadre de 2 modules en BTSA PA1 : production animale et société ainsi que bovin viande, nous avons été sensibilisés aux enjeux climatiques, leurs impacts et les solutions apportées par le monde agricole. C’est dans ce contexte que le 11 et 12 février la classe de BTS PA 1 en apprentissage a visité un atelier de méthanisation ainsi qu’une exploitation agricole innovante en bovin allaitant.
Présentation d’une exploitation innovante
En effet, durant le cours de bovin allaitant nous sommes allés visiter la ferme de Cédric et Flavie Boivineau localisée à Sainte-Cécile. Cette exploitation se compose de 94 ha et réalise 75 vêlages en race Charolaise principalement au mois de septembre. Cette exploitation déjà en agriculture de conservation des sols s’est récemment lancée dans le pâturage tournant dynamique avec pour objectif de mieux valoriser ses prairies et diminuer ses intrants. A la recherche de l’autonomie alimentaire, énergétique et économique, ils optent bientôt pour la vente directe.
Le pâturage tournant dynamique : un concept vertueux !
Cette pratique consiste à délimiter de petits espaces appelés paddocks dans lesquelles les animaux pâturent 1 à 2 jours grâce à un chargement élevé. Ce système favorise la repousse rapide de l’herbe permettant d’augmenter la production en tonne de matière sèche par hectare grâce à plusieurs pâturages successifs dans l’année. Au-delà de l’optimisation du fourrage par le troupeau, cette technique stimule la croissance continue des plantes et participe au captage du dioxyde de carbone de l’air à travers une photosynthèse très active. De plus, ce sont les animaux qui vont chercher leur nourriture au champ et pas l’inverse, tout en fertilisant le sol par ailleurs. Comme dit Cédric Boivineau « je n’ai pas besoin de tourner la clé du tracteur ! », ainsi il fait des économies de carburant, d’usure de matériel et d’intrants et limite son impact carbone.
Les haies : une biomasse utile
La ferme étant localisée dans le bocage, les haies font parties intégrantes du paysage pour protéger le bétail des intempéries. Encore une fois, cette biomasse permet de capter du carbone tout en rendant service à l’agriculteur. Effectivement, elles permettent aussi de créer des habitats favorables pour les pollinisateurs et les auxiliaires de cultures et atténuent les effets du lessivage et de l’érosion.
L’agriculture de conservation des sols (ACS) : c’est gagnant gagnant !
« Ce sont les vers de terres qui travaillent à ma place ! » Cédric Boivineau s’y retrouve dans ce type d’agriculture qui consiste à trouver un équilibre biologique et structurel au sein du sol. Ce principe est basé sur 3 piliers essentiels : le semis direct, la couverture permanente des sols, la diversité et la rotation des cultures.
En plus de favoriser la vie du sol, de limiter l’érosion et d’apporter de la diversité végétale, l’ACS est un atout pour le climat, le porte-monnaie et réduit le temp de travail !
Pratiqué par seulement 2% des agriculteurs en France, c’est une voie encore méconnue pleine d’avenir, ayant un rôle à jouer pour réduire l’empreinte carbone.
3 piliers : 3 moyens d’actions pour réduire les GES
Le semis direct consiste à implanter une culture sans travail préalable du sol. Ce concept limite la consommation de carburant, pièces d’usure et atténue le processus de minéralisation ayant pour conséquence la libération de GES.
Grâce aux couverts végétaux mis en place après la récolte, le sol reste protégé et stock du carbone toute l’année de par la photosynthèse.
Les légumineuses qui entrent dans la diversité et la rotation des cultures sont aussi un levier pour réduire l’impact carbone.
Ces plantes ont la capacité via une symbiose avec des bactéries de capter l’azote de l’air nécessaire pour leur croissance. L’azote synthétisé profite également aux autres espèces présentes dans la prairie diminuant les apports de fertilisants responsables d’émissions de GES lors de leur décomposition.
L’élevage est donc un outil de réduction des émissions de GES. Les espaces entretenues en prairies favorisent le stockage de carbone, tout comme certaines pratiques culturales. Le projet « 4 pour 1000 » initié par la recherche française vise à augmenter de 0,4 % de stockage de carbone par an dans les sols, l’équivalent à l’échelle mondiale des émissions de CO2.
La méthanisation : du biogaz à partir de déjections animales
L’élevage est aussi un secteur propice au développement des énergies renouvelables.
Suite à notre visite de l’unité de méthanisation de Chantonnay nous avons appris que ce procédé permet de capter le méthane, puissant gaz à effet de serre, émis par la fermentation des effluents d’élevage. En effet cette centrale produit 2.2 millions de m3 de biométhane injecté dans le gaz de ville et qui équivaut à la consommation annuelle de 1800 foyers et 97 bus.
Le méthane produit dans les digesteurs est capté à 98 % (fuites) et les conditions strictement anaérobies suppriment le phénomène de nitrification des fumiers responsable de la production de protoxyde d’azote également puissant GES.
Pour alimenter les 2 digesteurs, 65% des déchets réceptionnés sont d’origine agricole (fumier, lisier, ensilage), 30% proviennent des industries agro-alimentaires tel que l’usine de Fleury Michon et enfin 5% des déchets sont fournis par les collectivités.
Ce projet a été mis en place en 2011 et son implantation sur ce territoire est un atout majeur par rapport à la proximité des acteurs. En effet les 20 exploitations qui alimentent l’unité et/ou récupèrent le substrat issu de la fermentation dans les digestats sont situées dans un périmètre de 5 km limitant les émissions de CO2.
De plus, la réduction du temps de stockage des déjections à l’air libre souvent de six mois à quelques semaines, évite les fermentations non contrôlées.
Le digestat, qui est presque inerte, est également riche en minéraux et permet aux exploitations partenaires d’être autonomes en fertilisants azotés, limitant fortement leurs achats extérieurs d’engrais de synthèse à fort impact carbone.
Ce projet aux multiples bénéfices pour le climat contribue aussi à la mise en place d’une économie circulaire sur le territoire, en faisant participer des acteurs locaux, en réduisant la part du transport des matières premières et du digestat, en recentrant la production et la consommation d’énergie, et en dynamisant l’emploi et le développement économique du territoire. Engie va mettre en place 80 projets de ce type en France en réponse à la demande sociétale et aux enjeux climatiques.
Différents leviers existent donc pour limiter l’impact de l’élevage sur le changement climatique qui est déjà en route. L’agriculture va devoir s’adapter à cette nouvelle météo et certainement saisir cette opportunité pour se réinventer.
Morgane Jacob
Coordinatrice BTS Production Animale en Alternance